Découverte botanique de Saint-Privat-de-Vallongue
Le 16 juin, Emeric Sulmont, garde-moniteur au Parc national des Cévennes a animé un inventaire botanique participatif.
« Seulement 5 personnes pour affronter la canicule qui sévit depuis quelques jours sur le pays.
Nous partons explorer le quartier de la Rivière au Bluech, sur la commune de St-Privat-de-Vallongue. Le hameau de la Fabrège présente quelques belles prairies qui commencent à être fauchées.
Nous démarrons l'inventaire par l'observation, sur le talus de la route, d'un habitat assez spécifique des régions méditerranéennes : les pelouses d'annuelles à Hélianthème à gouttes (pour les taches sombres à la base des pétales jaunes), "l'oeil du Christ" (Tolpis barbata), une petite composée jaune avec un cœur violacée, plusieurs espèces de trèfle dont le trèfle aggloméré, et une espèce aux fleurs roses de la famille des gentianes qui indique que le milieu reste "imbibé" d'eau en hiver (milieu argileux et humide) : la petite centaurée.
Deux espèces endémiques du sud du Massif Central sont présentes sur un rocher à proximité : l'oeillet des granites et le fameux thym luisant des Cévennes, un serpolet particulièrement aromatique qui présente des tiges et une souche très ligneuse par rapport aux autres serpolets.
Pour en savoir plus sur l’œillet du grantie :
Les papillons sont aussi de sortie : silène, demi-deuil, myrtil, azuré, moiré... et la grande sauterelle verte stridule déjà : Tettigonia viridissima... Belle observation d'une grande tipule : Tipula maxima, une sorte de gros moustique (mais qui ne pique pas !!) avec des ailes pourvues de grandes tâches sombres.
Nous admirons la floraison exceptionnelle des châtaigniers cette année, de véritables feux d'artifices de châtons mâles à l'odeur un peu entêtante mais qui se transforment en un miel délicieux... A l'aide d'enregistrement sonore de criquets, nous essayons de "discuter" avec les premiers criquets qui stridulent : le criquet de l'Aigoual (endémique du sud du massif Central) semble répondre à l'appel.
Nous terminons notre exploration par les abords même du Gardon au niveau du pont de la Rivière, les récents travaux ont mis à jour une banque de graine enfouis dans les alluvions, notamment la scrophulaire des chiens, la petite linaire, la spergule rose et la corrigiole du litoral. Deux espèces montagnardes se trouvent ici en situation atypique : la luzule des neiges (une habituée des hêtraies d'altitude) et le seneçon de Fuch, une plante des lisières et coupes forestières au dessus de 1000 m d'altitude en général.
De nombreux citrons provençaux et un papillon sylvain survolent le couloir de saule drapée où nous nous trouvons et nous capturons un minuscule papillon argus du genre Aricia mais il parvient à s'échapper avant que nous n'arrivions à l'identifier avec précision...
Nous ferons un nouvel inventaire le 27 juin en espérant que la chaleur sera plus supportable... »
Emeric Sulmont, garde-moniteur au Parc national
Papillons de jour, bonjour !
« Le Parc national des Cévennes a proposé cette sortie papillons sur la commune de Saint-Privat-de-Vallongue, le 15 juin, dans le cadre de l'ABC (Atlas de Biodiversité Communale). Jusqu'à présent, les bases de données du Parc ne comportaient qu'une seule donnée de papillons sur cette commune. Il était donc opportun d'organiser une sortie permettant à la fois de faire découvrir les rhopalocères (papillons de jour) aux habitants de la commune mais aussi de démarrer un inventaire.
Six habitants de la commune sont venus participer à cette sortie et un septième habitant est venu rejoindre le groupe à la fin de la sortie pour connaître le bilan de l’après-midi.
Deux gardes moniteurs animaient la sortie : Valérie Quillard, animatrice du groupe « Rhopalocères » au sein du Parc national des Cévennes, et Gaël Karczewski.
Le jour de notre sortie, sur le sentier passant par le village vacances, la météo étant lourde (orage en fin de sortie), nous n'avons pu contacter que 9 espèces de rhopalocères. Sur ces 9 espèces, nous avons pu en déterminer 8 sur place : Procris (Coenonympha pamphilus), Citron de Provence (Gonepteryx cleopatra), Vulcain (Vanessa atalanta), Mélitée orangée (Melitaea didyma), Piéride du navet (Pieris napi), Piéride de la rave (Pieris rapae), Azuré commun (Polyommatus icarus), Hespérie de la Houque (Thymelicus sylvestris).
Il est intéressant de souligner que, d'après la littérature, le Citron de Provence, comme son nom l'indique, est en principe répartit sur le pourtour méditerranéen et n'est pas sensé être contacté en Lozère. Cette espèce est pourtant de plus en plus souvent observée dans notre département depuis quelques années déjà, ce qui pourrait témoigner du réchauffement climatique ou d'une adaptation aux habitats. La neuvième espèce nécessite une détermination plus fine avec l’œil d'un spécialiste que je dois rencontrer prochainement. Pour ce dernier papillon, il s'agit au moins du genre "Aricia" en latin (famille des "Lycaenidae Polyommatinae" dite des "Azurés"). Le jour de la sortie, nous avons hésité entre deux espèces : l'une très commune (Aricia agestis, Le Collier de Corail), et l'autre beaucoup plus rare (Aricia artaxerxes, l'Argus de l'Hélianthème) qui se ressemblent énormément. S'il s'agissait de l'Aricia artaxerxes, cela constituerait une belle donnée pour cette espèce peu fréquente en Lozère. Nous avons également contacté un Moro-Sphinx, classé dans les hétérocères, les papillons de nuit, dont certains sont curieusement diurnes malgré ce qu'indique leur classification.
Le lendemain, le 16 juin, le groupe "Rhopalocères" du Parc national (5 gardes-moniteurs), accompagné de deux bénévoles de l'ALEPE (Association Lozérienne pour l'Etude et la Protection de l'Environnement), a continué l'inventaire démarré la veille avec les habitants. Lors de cette deuxième sortie sur les ruines de Bellegarde puis au bord des gardons vers le Térond, nous avons pu déterminer 28 espèces de rhopalocères de plus que la veille et nous avons également contacté 3 espèces qui devront faire l'objet d'une détermination plus fine avec l'aide d'un expert. Sur ces trois dernières espèces, deux espèces appartiennent à la famille des Hesperiidae (dite des "Hespéries"), et une espèce appartient au genre Plebejus de la famille des Lycaenidae Polyommatinae dite des "Azurés".
Sur les 28 espèces déterminées sur place, 6 espèces sont intéressantes car en limite d'aire de répartition ou assez peu fréquentes, comme le Pacha à deux queues (Charaxes jasius), le Cardinal (Argynnis pandora), et le Marbré de vert (Pontia daplidice), qui sont plutôt méditerranéens, le Moiré des fétuques (Erebia meolans), qui est fréquent en nord Lozère mais plus rare en sud Lozère, le Moyen-Nacré (Argynnis adippe), qui est surtout répertorié en sud Lozère mais dont les données ne sont pas si nombreuses, Le Morio (Nymphalis antopia), plus fréquent en Lozère ouest.
Les 22 espèces restantes sont des espèces communes. Il y a : Le gazé (Aporia crataegi), le Flambé (Iphiclides podalirius), le Cuivré mauvin (Lycaena alciphron), le Némusien (Lasiommata maera), La Mégère (Lasiommata megera), le Cuivré commun (Lycaena phlaeas), le Citron (Gonopteryx rhamni), la Grande Tortue (Nymphalis polychloros), la Petite Tortue (Aglais urticae), le Myrtil (Maniolia jurtina), le Céphale (Coenonympha arcania), le Nacré de la ronce (Brenthis daphne), la Mélitée des Mélampyres (Melitaea athalia),Melitée des centaurées (Melitaea phoebe), La Paon du jour (Inachis io), La Sylvaine (Ochlodes sylvanus), le Demi-deuil (Melanargia galathea), le Tircis (Pararge aegeria), la Piéride du Chou (Pieris brassicae), le Robert-le-diable (Polygonia c-album), l’Hespérie du chiendent (Thymelicus acteon), l’Hespérie du dactyle (Thimelicus lineola), le Souci (Colias crocea).
Hors groupe des rhopalocères, à noter également la présence de :
- l'Ascalaphe soufré (Libeloïdes cocajus),
- 5 espèces d'hétérocères (papillons de nuit) dont le Ramoneur (Odezia atrata) et la Panthère (Pseudopanthera macularia), La Brocatelle d'or (Camptogramma bilineata), La Phalène picotée (Ematurga atomaria), La Fidonie du Genêt (Isturgia famula),
- 5 espèces d'odonates (libellules) dont la Libellule déprimée (Libellula depressa), la Petite Nymphe au corps de feu (Pyrrhosoma nymphula), l’Anax empereur (Anax imperator), le Caloptéryx vierge méridional (Calopteryx virgo meridionalis),le Gomphe à crochets (Onychogonphus uncatus),
- 6 espèces d’orthoptères (Criquets et sauterelles) dont l'Oedipode grenadine (Acrotylus insubricus), le Criquet noir-ébène (Omocestus rufipes), l'Oedipode rouge (Oedipoda germanica), l'Oedipode turquoise (Oedipoda caerulescens), l'Oedipode soufré (Oedaleus decorus), le Criquet de l'Aigoual (Chorthippus saulcie algoaldensis). »
Valérie Quillard, animatrice du groupe Rhopalocères du Parc national, garde.
Prospection-formation flore
Un premier inventaire floristique a été réalisé sur la commune par un groupe de naturalistes professionnels auxquels s’étaient déjà joints quelques membres du comité de suivi communal de l’atlas de biodiversité.
« Le 22 mai, une dizaine de personnes ont accompagné Émeric Sulmont lors d'une journée prospection flore sur la commune.
En effet, chaque année, Émeric propose à ses collègues du Parc national des Cévennes des journées de "prospection-formation flore" dont l'objectif est de se sensibiliser à la reconnaissance des milieux et des plantes les plus remarquables du Parc. Deux sorties par massif et par an sont proposées. Parfois des sorties bonus proposées par les partenaires complètent l'offre. Ces journées de prospection sont également ouvertes aux partenaires : Conservatoire botanique, Conservatoire des espaces naturels, Alepe, Gard-nature, Société Française d'Orchidophilie, Société botanique d'Ardèche, Société des sciences naturelles de Nîmes et du Gard, ONF, Animateurs de sites Natura 2000, agents du Conseil Général du Gard (au titre de leur mission Espaces Naturels Sensibles), Fédération des chasseurs, ONCFS, botanistes, agriculteurs, forestiers, membre du Conseil Scientifique...etc
Le 22 mai 2017, cette journée a été ouverte au comité de suivi communal de l'Atlas de Biodiversité (ABC) de Saint-Privat-de-Vallongue et aux participants de la journée de lancement de l'ABC qui avait eu lieu l'avant-veille. Ainsi, un agriculteur de St Privat était présent, ainsi que deux habitants de Saint-Hilaire-de-Lavit qui souhaitent s'intégrer à la dynamique de cet Atlas. Une 4ième personne venant de Bédouès et curieuse de la démarche était également présente.
C'est donc un groupe de dix personnes qui entreprend de prospecter la zone la plus basse en altitude (330-360m) de la commune le long du Gardon d’Alès. Malgré quelques aléas liés à la déviation de la 106 et à des tirs de mines qui modifient quelque peu la zone prospectée, nous parvenons tout de même à faire quelques observations originales.
En outre la Fougère de l’Ardèche, une espèce ressemblant fort à la Fougère mâle mais plus adaptée à la rigueur des climats des vallées schisteuses des Cévennes. C’est une espèce endémique des Cévennes connue dans le monde que des départements de l’Ardèche, du Gard et de la Lozère. A ses côtés, nous observons aussi deux marguerites, la marguerite glaucescente (c’est à dire dont la couleur de feuilles hésite entre le vert et le bleu : « glauque ») et la marguerite de Montpellier, toutes deux endémiques du sud du massif Central. Cette année leur est particulièrement favorable, certains rochers exposés sont encore parés de touffes de milliers de ces marguerites.
Au sein de pelouses temporairement humides nous observons quelques espèces discrètes mais néanmoins remarquables : une orchidée, la sérapias en langue et une curieuse fougère, l’ophioglosse vulgaire ou langue de serpent. Un trèfle de Ligurie (protégé en Languedoc-Roussillon) se trouve également à proximité avec la linaire de Pelissier, une magnifique petite linaire aux fleurs violettes.
Au bord d’une prairie de fauche, nous découvrons de nombreux pieds d’aristoloche à feuilles rondes, une plante évoquant par ses fleurs en forme de vase surmonté d’un chapeau un genre de plantes carnivores tropicales, les népenthès. Elle abrite des chenilles de Diane, un papillon protégé présent en Italie jusque dans le Gard et la Lozère qui est sa limite occidentale de répartition. Nous trouvons également une belle mue de couleuvre de Montpellier, une accoutumée des terrasses cévenoles.
La journée se termine par l’exploration des environs d’un hameau isolé au cœur du maquis cévenol : Malablachère, nous y retrouvons la linaire de Pelissier et un insecte très exigeant en chaleur ; l'empuse ou diablotin, aussi gracieux que sa cousine : la Mante religieuse. »
Isabelle HENRY, Garde-monitrice, Parc national des Cévennes
Plus d’informations sur la Diane (Zerynthia rumina) : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/8267
« Rando découverte biodiversité » avec Emeric Sulmont, garde-moniteur au Parc national des Cévennes
Cette sortie, avait été programmée le 13 mai 2017, en partenariat avec le foyer rural de Ventalon en Cévennes; même si elle a été réalisée avant le lancement officiel de l’ABC qui a eu lieu le 20 mai, elle s’inscrivait pleinement dans les objectifs de celui-ci. Julie Hugon, présidente du foyer rural et qui participait à la randonnée en a fait un compte-rendu.
« Nous étions 17 personnes au rendez–vous sur les hauts de St Privat de Vallongue, informées par le réseau REGAIN et aussi par l’office de tourisme Cevennes Gorges du Tarn.
Emeric arrive d’une matinée d’animation à Cendras et a à peine fini son sandwich qu’il nous présente le programme du PNC d’inventaire de biodiversité. L’objectif est de mettre en valeur le patrimoine naturel sur plusieurs communes pendant 2 ans, St Privat étant une de ces communes. L’un des objectifs est un atlas de la biodiversité qui recensera les espèces animales et végétales locales tout en localisant les principaux enjeux environnementaux de la commune. L’idée est bien sûr de faire partager cette connaissance avec le plus grand nombre. Chacun peut participer à hauteur de ses compétences (prospection, animation, mise en valeur diverses).
Toutes les personnes venues de St Frézal, St Privat, Le Collet de dèze, St Germain de Calberte, Vialas et aussi un woofer dans une ferme aux Bondons ont un intérêt pour la découverte de la nature, un petit nombre plus particulièrement pour les plantes comestibles dont Noelle Reynaud qui est intervenue plusieurs fois dans des ateliers organisés par REGAIN . Séverine Kieffer vient s’informer pour enrichir des projets « écovoisins » portés par Cévennes écotourisme.
Notre premier arrêt sera pour déterrer et goutter des noix de terre, observer une belle raiponce en épi bleue au bord du chemin ; puis on fait un grand arrêt dans une prairie. Les arméries qui ressemblent à la ciboulette mais sont de la famille du plantain et les bouillons blanc en nombre, sont témoins d’un manque probable en matière organique. Emeric nous nomme les jolies touffes d’hélianthèmes jaunes et nous parle des élégants polygales (gala : lacté. Une espèce galactogène d’après la littérature…) et de la grande famille des orchidées dont nous avons de beaux spécimens délicatement mouchetés : l’orchis brûlé.
Avant notre grimpette dans la forêt de pins, on prête attention aux bruyères, genêts et sabline des montagnes sur le talus.
Comme nous rencontrons des galles de cynips du châtaignier, c’est l’occasion de parler des plantes invasives que l’on voit sur les talus en bord de routes(l’armoise de Verlot, la renouée du Japon, l’ambroisie, l’arbre à papillons, le robinier faux acacia ) : les tentatives pour s’en débarrasser coûtent parfois très cher et se soldent à moyen termes par des échecs et des dégâts importants sur le milieu naturel, il vaut mieux laisser la nature se charger de retrouver un équilibre. Néanmoins, dans le cas du cynips une solution de lutte biologique a permis de minimiser les dégâts provoqués sur la production de châtaignes. Le parasite du cynips (le Taurimus) a été introduit avec succès en de nombreux endroits des Cévennes et de France. Il s’est rapidement propagé dans la plupart des zones à cynips. Un nouvel équilibre est en train de s’installer.
On s’arrête près de pins sylvestres et Emeric nous parle de l’intérêt de cet arbre un des deux pins « autochtones » des Cévennes, comme le pin de Salzmann qui est beaucoup plus rare. Le pin sylvestre (au tronc rose saumon vers le haut de l’arbre) forme des pinèdes spontanées remarquables sur les crêtes rocheuses sauvages des Cévennes, le Circaète (le rapace mangeur de serpent) y accroche souvent son aire pour nidifier en paix.
Un peu plus loin, Emeric soulève l’écorce d’un arbre couché en décomposition et il est content d’y voir une quantité de petites bestioles : petits carabes, larves de taupins, lithobies (petit scolopendre) un peu plus haut, sous une pierre une araignée de la famille des mygales : une Nemesia et une punaise très étrange au contour pourvu de lobes, comme une feuille de chêne miniature. Il nous fait remarquer un trou dans un pin qui se remplit d’eau et fait une mare à l’intérieur de l’arbre, appelée encore dendrotelme. Ce liquide noirâtre abrite des larves diverses : moustiques, coléoptères, syrphes (sorte de mouche ressemblant à des guêpes et qui volent en faisant du surplace) et parfois deux mousses très rares peuvent aussi s’y loger (comme c’est le cas sur un chêne vert non loin de là près du hameau de Rome à Ventalon en Cévennes.
Bon, assez trainé comme ça, il est tard et on aimerait bien monter jusqu’aux ruines du château de Bellegarde avec ceux qui sont restés. On échange sur le(s) lieu(x) de naissance d’Urbain V, mais, à vrai dire on préfère observer les cavités dans les roches. On découvre sur le chemin du retour une dernière curiosité, des fils rouges entrelaçant un thym des Cévennes : c’est la cuscute du thym. »
Julie HUGON, Présidente du foyer rural de Ventalon en Cévennes