18°C à l’Espérou le lundi 5 février 2024 : le changement climatique est déjà à l’œuvre. Face à ce constat, le secteur du tourisme d’hiver se trouve confronté de manière brutale au réchauffement des températures.
Le rapport de la Cour des comptes publié récemment est à ce titre sans équivoque : seules quelques stations en France peuvent espérer poursuivre une exploitation de la neige au-delà de 2050.
Pour les deux stations de ski historiques de la zone cœur du Parc national des Cévennes sur l’Aigoual et le mont Lozère, le défi est grand.
La raréfaction de la neige oblige à inventer de nouveaux modèles pour être rentable tout en valorisant au mieux les patrimoines culturels, naturels et les paysages exceptionnels qui font la richesse du territoire.
Quel est le constat ?
Le réchauffement climatique, induit en grande partie par les activités humaines, affecte le climat cévenol et s’accélère depuis le milieu des années 1980.
Certains secteurs se réchauffent plus vite, comme le mont Aigoual, avec une augmentation des températures annuelles maximales de près de 2.3° par rapport à la période 1961-1990. Le nombre de jours de gel baisse de manière significative : -34 jours de gel/an depuis 1959 au mont Aigoual*. L’enneigement diminue à la fois en épaisseur et en durée.
* Données issues du cahier thématique sur l’Adaptation du Parc national au changement climatique et à ses impacts, commandé en 2020 par l’établissement public.
Une approche stratégique indispensable
A l’heure de l’effondrement de la biodiversité, du dérèglement climatique, de l’augmentation des prix de l’énergie et de la nécessité de développer des activités éco-responsables, la logique d‘équipement de la montagne est clairement requestionnée.
En accord avec les objectifs de la Charte du Parc il est nécessaire que ces activités écoresponsables génèrent des revenus et permettent de faire vivre les habitants du territoire. Il s’agit d’une priorité pour l'établissement.
A ce moment crucial pour l’avenir du territoire, certaines questions méritent d’être posées : que souhaitons-nous collectivement pour les Cévennes ? Est-il toujours pertinent de persister dans les modèles économiques énergivores et susceptibles de dénaturer les paysages et l’environnement ? Comment faire de cet environnement exceptionnel un atout ?
Comme le souligne le rapport de la cour des Compte, une approche stratégique est indispensable : les bilans financiers « d’activités hors ski (luges, tyroliennes…), utilisables hiver comme été, pensées « sans stratégie » (...) font généralement apparaître un déséquilibre ».
Ces questions sont actuellement débattues au sein des instances du Parc, composées d’élus, de professionnels du secteur et d’habitants. L’établissement s’implique également dans la réflexion que mènent actuellement les Offices du Tourisme, comme par exemple les Rencontres du tourisme durable organisées par Cévennes Tourisme qui auront lieu fin février. Il est également partenaire du Plan Avenir Montagne mené par le PETR Causses et Cévennes qui vise à accompagner les territoires de montagne dans la définition et la mise en œuvre d’une stratégie de développement vers un tourisme plus diversifié, durable et résilient. Dans ce cadre, le projet de requalification de la station de Prat Peyrot sur l'Aigoual a par exemple été identifié comme prioritaire et retenu dans la première vague du volet Investissement du programme.
Quels sont les atouts du territoire ?
Depuis plus de 50 ans, le Parc national des Cévennes est un pionnier du tourisme durable veillant au respect des patrimoines et favorisant la découverte douce et l’éducation à l’environnement.
Le sondage réalisé en 2023 par l’institut CSA est formel : 91% des habitants du Parc national des Cévennes estiment que c’est une chance de vivre sur ce territoire préservé (95% des habitants du cœur de Parc). Et parmi les 84% d’habitants qui déclarent avoir une bonne image de l’établissement, 64% d’entre eux citent spontanément les bénéfices en termes de préservation de la nature, des paysages ou des patrimoines.
Côté visiteurs, d'après une enquête du Comité Régional du Tourisme et des loisirs d'Occitanie en 2021, s’ils choisissent de séjourner dans un Parc naturel c’est avant tout pour être dans un environnement de qualité et pour pouvoir se ressourcer au contact de la nature (87%). Les 3 premiers mots que leur évoque un Parc naturel sont : nature, calme et paysages.
Tous ces éléments confortent le Parc national des Cévennes dans sa conviction que le caractère unique du territoire, ses paysages à couper le souffle, sa nature préservée, sa quiétude, sa capacité de ressourcement, ou encore son artisanat constituent autant d’arguments de poids pour les personnes qui y habitent que pour attirer des vacanciers.
Poursuivre la création d'une destination faite d'activités de pleine nature dans un environnement authentique, d’expériences uniques de ressourcement et de quiétude que seul ce territoire est capable d'offrir semble ainsi la meilleure réponse aux difficultés actuelles.
Concrètement, qu’est-il possible de faire en cœur de Parc ?
En hiver, certaines activités liées à la neige restent possibles à condition d’être plus flexibles et sans investissements gourmands en énergie. Ski de randonnée, sorties raquettes, chiens de traineaux, biathlon laser… ces activités présentent l’avantage d’être facilement organisées lorsque la météo le permet et de faire vivre des professionnels du tourisme. C’est le cas sur le mont Lozère qui a choisi de prendre ce virage.
En été, outre les activités classiques qui se développent autour de la randonnée (à pied, équestre, VTT, VTTAE ...), d’autres activités à impact limité sur l’environnement et permettant de se ressourcer comme par exemple le kart à pédales, la slackline, ou l’accrofilet peuvent être autorisées au regard des impacts sur les espèces, paysages et patrimoines (altération des milieux, quiétude en période de reproduction…). De plus, le territoire est riche d'accompagnateurs en montagne et de guides nature qui proposent une immersion privilégiée et invitent à découvrir la montagne en toutes saisons.
Les types d’activités à faibles impacts sur les milieux qui proposeraient une expérience au contact de la nature sont nombreuses. C’est pourquoi il nous paraît indispensable de préserver les atouts exceptionnels de notre territoire en se démarquant des aménagements habituels classiques et impactants pour l’environnement.
Au vu des enjeux actuels, le Parc national des Cévennes appelle tous les acteurs à construire ensemble un projet de tourisme à la hauteur des habitants, des paysages et des patrimoines qui sont la force, le caractère et l'originalité du territoire.
Pour aller plus loin :
- Cahier thématique "Adaptation du PNC au changement climatique et à ses impacts"
- Le climatographe, Observatoire du mont Aigoual
- Rapport de la Cour des Comptes : Les stations de montagne face au changement climatique
- Résultats de l'enquête de perception de l’établissement du Parc national des Cévennes
- Enquête Activités de Pleine Nature du CRTL Occitanie
- La réglementation du cœur du Parc national des Cévennes
- La Charte du Parc national des Cévennes
- Les rencontres du tourisme durable en Cévennes organisées par Cévennes tourisme